JEAN LALOU
 
GRAINS D'INSOMNIE
RECUEIL de POÉSIES
 
 
 
Frontispice Olivier Mérijon
 
 
JEAN LALOU

Jean Lalou, mon ami depuis 25 ans, né en 1922, à Chaville, c'était encore la Seine et Oise. Il a écrit ses premiers poèmes à 17 ans, étudiant à cette époque, les règles de l'écriture et la versification.
Quelques mois après son mariage en 1942, il partit en sanatorium.
" Je dois peut-être la vie à ma tuberculose, car beaucoup sont partis à la guerre et beaucoup n'en sont pas revenus. "
Il fut instituteur puis se passionnant pour la langue anglaise, la langue des libérateurs, il devint professeur d'anglais.
Edité après son très bel ouvrage " Fumerolles " paru il y a une dizaine d'années,
ce nouveau livre qui m'a tant touché, regroupe 50 années de vie.
" Ce sont des vestiges, comme des morceaux de poteries cassées. "
De la lecture de ses vers, ressort son goût pour les mots, " Je trouve qu'en prose les mots sont employés bureaucratiquement, en poésie, ils se renouvellent, meurent, disparaissant pour revenir ; une allégorie au bonheur d'écrire."
Il m'a souvent dit, qu'à ses débuts, il était dans la mouvance traditionnelle de la poésie, puis rencontra Agamemnon, poète ami d'Eluard, futur conservateur du Musée de Mantes, en leur époque estudiantine qui fut aussi le temps de leurs cadavres exquis. Agamemnon lui fit rencontrer le surréalisme, qu'il n'aima vraiment jamais démesurément, mais il y gagna cette magie du goût des mots, du calembour. Il préféra l'écriture d'Alfred Jarry, Jules Laforgue, Raymond Queneau et Boris Vian.
De sa poésie, je dirai, qu'elle est touchante, donc belle, mais étonnante, rieuse et triste à la fois, à goûter sans modération, parcellaire et tendue.
Hier, il me disait, " j'ai vécu un absolu pour la poésie, puis un jour j'ai décidé de tout laisser tomber, c'est facile à dire...Mais ça revient tout de suite. "

MON ILLUSTRATION
Un texte poétique est toujours un attachement, un attachement à l'écriture, un attachement aussi à la personne qui a écrit et qui transmet.
Un livre à illustrer, c'est un accord de musique à définir dans l'intégrité d'un temps pour un partage sensible.
Lire.
Lire pour accepter l'offrande et le mystère, être touché et comprendre tout le proche et tout le loin
Pour le peintre, voir le dessin paraître naturellement.
Voir un ensemble, un tout, en ligne, en formes, en sensations pour les faire fusionner avec le profond, dire en couleurs pour une apparence.
Jean Lalou m'a dit, " tu as vu le caché. ".
Je le savais. Je le souhaitais. Peut-être seulement pour me donner ma confiance, fil de rasoir qui dirige l'élan qui construit.
Donner une illustration au livre, c'est aussi accepter l'attente de le voir paraître, être à l'affût, de cette seconde ou l'auteur, d'un regard, accepte ou réfute.
Le livre dans vos mains, se dire aussi que l'illustration devra s'effacer, pour se mettre en osmose avec le texte, un plein de couleurs pour transmettre la tonalité.

O.MERIJON

 
 
 

 

JEAN LALOU

 

 

 


GRAINS D'INSOMNIE

Frontispice Olivier Mérijon

 

 

 

 

 

 

EDITIONS GERBERT

 

 
 

 

 

 

 


GRAINS D'INSOMNIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Stricly for the birds.
Alan Sillitoe

 

 
 

 

TABLE

 

Prime pensée au petit jour........................7
Chien endormi...........................................8
Le printemps une fois de plus ..................9
Un petit tour ............................................10
L'Ascèse difficile.....................................11
Les Crimes de l'Amour ..........................12
Hiéroglyphes...........................................13
Passe-Temps...........................................14
Signes de vie...........................................15
La Melline élassorée.............................16
Promenades.......................................17-19
Tombe en Gironde..................................20
Edelweiss................................................21
Gémeaux.................................................22
Café-Concert..........................................23
29 avril 1956...........................................24
Légende..................................................25
D'une à l'autre fenêtre le printemps.....26
L'Oiseau Bleu de Mai...........................27
The Girl-in-the-Key-Hole......................28
Encres.....................................................29
Chanteur invisible..................................30
Babet......................................................31
Nocturne.................................................32
Grèves....................................................33
La pluie...La pluie... ..............................34
Le Rhino.................................................35
Et j'entendis la musique des anges.......36
Renouveau.............................................37
Le Temps et L'Eternité.........................38
Poste ce Cri(m) Tom..............................39
Hobby Rider...........................................40
Ritournelles détournées...................41-43
Hans Reichel Lied............................44-45
Malfrat-lychee.......................................46
Chambord by night.................................47
Problèmes d'écriture.........................48-49
Grill-Parties............................................50
Juillet en Mars.......................................51
Nos chattes.............................................52
Hommage à Vivaldi................................53
Hommage à B. M. P. T. ...................54-60
Portrait de Famille..................................61
Liane........................................................61
Sous l'herbe cachée................................62
Amplifique à sillons................................63
Méduse...................................................64

 


 
 

 

 

Prime pensée au petit jour

 

 

 

 

merde je suis réveillé merde

 

indice d'un manque en amour
verde rime te quiero verde

 

 

 

 

- 7 -
 
 

 

 

- Chien endormi n'a pas de puces.

Albert Cohen.

 

 

 

 

que monte ici que monte
à l'horizon des mers un long cou de girafe

 

 

 

 

- Viens, Sommeil désiré, ...
Car, d'un voeu non menteur, un bouquet je t'appreste
De ta chère morelle et de ton cher pavot.

Pontus de Thyard

 

- 8 -
 
 

 

 

Le printemps une fois de plus

 

 

April is the cruellest of months.
T. S. Eliot

 

tout se défait vaille que vaille
dors dors ces jours sont révolus
les feux de joie sont feux de paille
plus long le malheur un peu plus.

de tout cela que reste-t-il ?
un peu de terre sur les doigts
qui s'essuie aisément et toi
souvenir qui tient par un cil.

 

 

 

- 9 -
 
 
Un petit tour

 

tristesse qui se promène
sous la neige à petits pas
frôle des gens ne sait pas
quelle vie et bruit on mène

baisse la tête- elle a froid
tristesse est une imbécile
le sait-elle mieux que moi
que vivre n'est pas facile ?

marcher un peu ça vous change
les idées et ce désir
de jours vivants quartiers d'orange:
passion logique et plaisir
les oranges sont de la neige
fondue au premier soupir.

il tombe lentes des mousses
merveilles de savon quand
dans les arbres le silence
s'ébroue un peu frissonnant
l'avenue est toute blanche
comme une tombe d'enfant.

et Tristesse se promène
ombre piteux petit vieux
qui clignote un peu ses yeux
sous la neige ou sur sa peine.

 

- 10 -
 
 
L'Ascèse Difficile

 

One of the most remarkable characteristics of SHERLOCK HOLMES was his power of throwing his brain out of action...

John H. Watson Late of the Army Medical Department

 

couper les secondes en quatre
couper les segondoeufs zan
en 32 en 128
et plus- néantiser la fuite
du temps surtout ne pas débattre
ni se débattre

Dormir sans lune et sans soleil
sans mémoire sans lendemain
dormir sans peur et sans regret
chevalier sans rives sans rêves
dormir fermer l'oeil de la nuit
dans l'oubli même de l'oubli

il faudrait rester impavide
ou que drogue les allégeât
aux choses que la nuit dévide
mais c'est coton de fair'le vide
dans la tête qui l'est déjà.

têtes vides ô péninsules délabrées
têtes vides sont les plus encombrées

 

- 11 -
 
 

 

 

 

Les Crimes de l'Amour

 

 

Je cherche le silence et la
nuit pour défleurer ta jeunesse
et que d'une seule caresse
tu brilles comme brille un plat
rituel de tout ton éclat.

 

 

O douce vierge enfant qu'une nuit a brisée
Tais-toi !

Soleil et chair. Rimbaud

 

 

 

- 12 -
 
 

 

 

Hiéroglyphes

 

 

Dieu accorda "que le corps d'Athys ne
se corromprait pas... que ses cheveux continueraient
à pousser et son petit doigt à remuer."
P. Grimal. Dictionnaire de Mythologie

 

 

le mot qu'on te cacha
de passe comme autel
ou de bonne nouvelle
le mot qu'on te cacha

du secret du mystère
donne ta langue au chat
ou ta vie à la terre
- peu qu'il s'en détachât

Athys franchit le chas-
donne ta langue au chat
tes songes zà la terre
et tout est résolu

par le droit de se taire
la langue tu n'as plus
le chat te l'a mangée
ou l'herbe ou l'oranger.

 

- 13 -
 
 

 

Passe-temps

 

 

 

c'est en n'y pensant pas
que l'on passe le temps
c'est en tassant le temps
que l'on pense le pas
c'est en pensant le pas
que l'on stresse le temps
c'est en stressant le temps
que l'on casse le pas
c'est en cassant le pas
que l'on tresse le temps
c'est en tressant le temps
que l'on presse le pas
c'est en passant le pas
que l'on n'y pense plus.

 

 

- 14 -
 
 

 

Signes de Vie

 

C'était avant les Nutoiles.

 

le monde laid le mont de lait
ô vieille coupe de déboire
désormais je ne veux plus boire
de ton maigre verjus violet.

je vais me bâtir un palais
d'Etoiles Dorées -et d'ivoire-
dansent demain et ma mémoire
j'ouvre un dancing de feux-follets.

ô drapeaux en fleurs des guirlandes
voyages ! vers Jacques d'Irlande
éternel 14 Juillet !

Grand Bal dillapré de pétales
souci pivoine iris oeillet
de milliers de cartes postales ! *

 

* un sonnet -qu'il est lent contraint quatrain cursif
ahânnant aux talons d'un distik bin cisif
d'un seul alexandreux lune hiver en balance
tombe et le cède à ta beauté dit vain silence.

 

- 15 -

 
 

 

La Melline Elassorée

 

la melline des corusants
en dépit des pampres ferlots
fidélisant par les vallines
s'éguadonne aux guivres guisants

croqueliquez aux carguelots
croqueliquez ô Catherines !

l'encorbelle de la melline
s'élassore aux bragues salines
mais tant que talude et ludoile
titeluneront les jusants
croqueliquez ô Catherines !
cliquefalurez vos fédoiles

et colicalez colicalez les nutoiles

 

"L'humanoïde pensait avec les mots de sa langue, mais la télépathie permettait de comprendre, sous le vêtement des mots, le fond de sa pensée."

Kurt Steiner

 

- 16 -

 
 

 

Promenades

 

I


Tower Bridge

je suis passé sur ce pont
je suis passé dessous
je suis toujours aussi con
et toujours sans le sou.


mais je petipatapon
bergère là-dessous
je suis passé sous ce pont
que le jour était doux !


II

España

tapas
ça passe

les pierres d'Avila sont roses
rose la poudre du soir sur les collines
et l'orient léger des oliviers

les torrents noirs des Asturies

ça passe pas.

 

- 17 -

 
 

 

 

 

 

III

Ich mote come to thee Maria *

sous les palmes l'orgueil de ces rives fleuries
que je m'ennuie à Lugano !
et je rêve aux jardins d'Issy-les-Moulineaux
vous y reverrai-je Marie ?

 


* Anonyme anglais XIIIe siècle.

 

 

 

 

- 18 -
 
 

 

IV

Vierwaldstättersee

touriste sur les Ponts de Bois
j'avais mal aux dents à Lucerne
la mort peinte et Jésus en croix
n'ont pas éclairé ma lanterne

le mal d'amour -je ne sais pas
ô femmes aimées évasives
ou du Righi dans les gencives
quel est le plus cruel trépas.

le temps vient de plier bagages:
j'ai vécu plus de 107 ans
ai-je vu beaux lacs vos images
ou m'y suis-je baigné vraiment ?

nutoiles mieux qu'étoiles sonnent
déchanter est vilain défaut
les seuls joyaux vrais sont les faux
au moins ils ne trompent personne.

 

C'est le mensonge de la vérité et la vérité du mensonge.

Eliphas Levi in Pendule de Foucault. (Umberto Ecco)

 

- 19 -
 
 

 

Tombe en Gironde

 

Signe de Vie.
à L... à S... à J... à...

 

 

le malheureux Lautrec génial mais lènabeau
dont maint petit cognac embrumait la misère
entends ce qu'il soupire au fond de son tombo
Verdelais ! Verdelais ! Verdelais ! morne verre !


moi je file léger doux filleul du temps beau
ou mieux je file doux filleul léger du Beau
et ne t'agite pas quand j'ajoute je t'aime *
songe songe qu'un jour nous y boirons de même
à Verdelais Biarritz Lancastre ou Colombo.

 

* Entre 1000 détails que le filme déroule
JE T'AIME, en ces jours-là, c'était AGAINST THE RULE

 

- 20 -
 
 

 

Edelweiss

 

et souvent Poësie est
vérité de La Palice
et Vertu qu'on oubliait
vérite de La Police

 

 

 

je veux ajouter l'amour
mais de force il me fait briffer mon calembour

 

 

- 21 -
 
 

 

Gémeaux

 

car ce songeant de même trempe
Pégase le cheval ailé
et cheval marin l'hippocampe *
paissant aux prés étoualés.

 

* Cheval marin cheval de trempe

R. Desnos

 

 

 

 

 

- 22 -
 
 

 

 

Café-Concert

 

pOësie O
pOësie, non ! thune,
sauras jamais, O lune
et l'autre étoile ! aime ! ris !
O mes papiers de vers sO
si, oui, si, many a long year's itch
lueur être ange en fOrêt,
JE t'aime ou si JE te hait.

 

- O l'Omega, rayon viOlet de Ses Yeux !

Voyelles

 

 

 

- 23 -
 
 

 

 

29 avril 1956

 

la pluie a cessé
le silence est maintenant léger
léger souffle

 

à la fenêtre doucement bleue
le jour a retrouvé sa transparence


la première étoile brille sur ton berceau

 

tout repose
pour une nuit tranquille.

 

 

- 24 -
 
 

 

 

Légende

 

la rivière avait trop de peine
ses belles eaux gorge diaprée
se gonflent et déborde sa peine


à l'arête des parapets roides
pas une âme ne s'est penchée
sur la belle onde désolée.


et puis le soleil s'est levé
voici flotter son beau sourire
et la peine s'est en allée

puisque j'ai compris la rivière.

 

 

- 25 -
 
 

 

 

D'une à l'autre fenêtre le printemps

 

 

dans le saule réveillé
le merle noir déjeune
de chatons légers
jaunes comme son bec jaune

 

à peine ai-je parlé c'est un piaf envolé

 

 

frac noir gilet blanc
la pie dans l'herbe jeune
picore
sourient les traricos roses
au jour doux et léger
est-ce l'éternité ?

 

déjà la pie s'envole et
rejoint le nid à la cîme du peuplier

 

 

- 26 -
 
 

 

L'Oiseau Bleu de Mai

 

 

pluie jolie aux jupes vives
se coiffe d'herbes fleuries
quand chante l'oiseau Azur


un oiseau s'appelle Azur
quand il chante verse au bois
le vin léger du soleil


un oiseau s'appelle Azur
il se nourrit de muguet
sa chanson c'est la rosée


sa chanson ouvre les feuilles
les fenêtres et les ailes
les lèvres flexibles des femmes

 

 

- 27 -
 
 

 

The Girl-in-the-Key-Hole

 

je te cherche où tu es où es-tu ?
je te découvre où tu n'es pas
longtemps cherchée je te cherche
où es-tu ?


sous l'écume de l'aube frémissent
des ailes de myosotis


aujourd'hui le jaseran
a volé dans mes mains vides
l'heure où le jaseran se meurt
est l'heure où vient le jaseran


aujourd'hui la main d'un enfant
est en confiance dans la mienne
mais où es-tu ? je te cherche
plus je ne te cherche plus je cherche
où es-tu ?

 

 

- 28 -
 
 

Encres

 

A Tinn'ta la chatte

 

"l'encre dont je me sers"
-Cocteau dixit- étouffe
le bois dont je me chauffe
ce peu de feu mes vers

 

maintes fois j'ai trempé ma plume
dans l'espérance et cependant
que ce fût le vent ou la lune
j'ai noirci mon beau papier blanc


à l'encre verte on peut aussi
méticuleusement tracer
les jeux sans merci ni pleurer
de petits vers désemparés


on ne manque pas d'encriers
ni d'encres -bleue ou rose ou noire-
pour me rafraîchir la mémoire
moi j'espère un espérancier.

 

- 29 -
 
 

Chanteur invisible

 

entends-tu l'oiseau de mars
comme il chante comme il chante


as-tu vu l'herbe têtue
comme elle est verte l'hiver ?


je connais un bois obscur
où l'oiseau et l'herbe chantent


et le soleil avec la pluie
comme ils chantent comme ils chantent


dans les bois des alentours
entends-tu l'oiseau caché ?

 

 

- 30 -
 
 

 

 

Babet

 

sainte Elisabeth
avec sa galette

un petit morceau de pain
pour les oiseaux du jardin
sainte Elisabeth
sa couronne en tête
une miette de gâteau
pour Tinn'ta dans son berceau

 

le printemps dans son manteau.

 

 

 

- 31 -
 
 

 

Nocturne

 

qui s'étoile s'étiole
qui s'étiole s'étoile

Traité des Nutoiles

 

dans quels jardins profonds et doux
de vieux velours nous veillez-vous
lucioles dans le ciel étoiles
dans quels jardins sombres et doux ?

ou n'êtes-vous que faux nitoiles
néons futioles froids bijoux
futoiles dans le ciol écielles étiolées
dans quels violours profonds et flous ?

 

 

 

 

- 32 -
 
 

 

Grèves

 

l'araignée tend sa toile
dans la boîte à lettres
la cervelle se poile
peu dans la boîte à l'être

 

Je palpite d'exil dans le coeur des étoiles

Jules Laforgue

 

 

 

 

- 33 -
 
 

 

La pluie... La pluie...

 

la pluie toujours comme l'absence
et l'oubli calmement ourdi
où le paysage engourdi
n'espère pas de renaissance


tu verses pour nous bonne pluie
toutes les larmes enfermées
on s'amuse à des jeux d'esprit
mais toi tu dis la vérité


la pluie est la fille facile
changeant de robe en moins de deux
selon les yeux selon les jeux
vous tissant des hamacs fragiles


où bercer des songes dociles
qui vous font comme primevères
par la campagne et par la ville
s'épanouir frêles mystères


les goélettes de la pluie
les beaux vers et les parapluies... les parapluies.

 

Un parapluie ouvert est un beau ciel fermé.

Xavier Forneret

 

- 34 -
 
 

 

Le Rhino

 

Souvenir de Vincennes

 

François! François! ma fille l'appelait, déçue.
l'enclos restait vide.

plus tard nous avons su

par des journaux qu'il était mort de nostalgie
jamais plus jamais plus dans l'herbe ruisselante
libre -au soleil gourmand griffé d'oiseaux vermeils

léger François changé en sujet d'élégie
les as-tu retrouvés dans ton dernier sommeil ?
ai-je le cuir plus dur que le rhinocérus
moi qui ne suis pas mort des paradis perdus ?
- que le rhinocéros des édens perdidos -

 

 

 

- 35 -
 
 

 

"Et j'entendis la musique des anges" *

 

dans l'herbe haute à l'écart de la route
blotti caché muhet ravi j'écoute

ce que dit le vent

 

au-dessus du creux où je me tiens coi
il souffle très fort sans savoir pourquoi
et c'est émouvant.

 

mais il ne dit rien. il vient dans les feuilles
il ne veut pas dire et sans qu'il le veuille
c'est un grand bruit d'ailes.

 

moi qui sais moi qui veux je ne dis rien
je ne dis rien non plus mais c'est moins bien
que sa grande vielle

 

dans l'herbe haute à l'écart de la route
ravi muhet ravi j'écoute

 

ce que le vent ne dit pas

 


* Anonyme limousin XIIe siècle.

 

- 36 -
 
 

 

Renouveau

 

la mésange a fait son nid
c'est vrai dans la boîte à lettres
de caissette en bois verni
la boîte à naître. *

 

 

 

* comme on dit la Salle à Manger

deux endroits d'extrême danger.

 

 

 

 

- 37 -
 
 

 

LE TEMPS

 

 

comme la rosée
elle a passé
comme la rosée

c'est la faute du soleil.

 

 

ET

 

 

L'ETERNITE

 

 

ses lèvres fleur et fruit qui fondent sans mourir

 

 

- 38 -
 
 

 

 

Poste ce Cri(m) Tom

 

l'Eternité -

c'est des images
c'est un dillamant de papier
emblème d'un temps déplillé
tous nos chiffres issant naufrages
et nos amours nos amitiés
caravelles pour nos voyages
dans le temps clos vers des visages des virages
des décryptages des mirages
du ciné de l'éternitié.
nous en arrive par sans-fil
la mer(e) en allée, ô cara
mia ! soleil d'ainsi-soit-il !
un message à mille carats
l'Eternité c'est des images
qui ne tiennent que par un cil.

 

 

- 39 -
 
 

 

Hobby Rider

 

 

j'ai tant cru chevaucher Pégase
ce n'était qu'un cheval de bois
quelles ailes de gaze ! Extase !
j'ai bin cru chevaucher Pégase.

 

plus haut que l'Ande et les Caucases
plus ivre que de vin d'Arbois
j'ai bin cru chevaucher Pégase
il n'était que dada de bois.

 

 

O, for a horse with wings !

Cymbeline (III,2)

 

 

 

- 40 -
 
 

 

Ritournelles détournées

 

à fredonner à répéter à la muette
dans n'importe quel ordre jusqu'à l'indifférence
au non-sens comme au sens afin
d'apprivoiser le sommeil Longue
est la nuit pour celui qui ne peut pas dormir

Le Khuddaka-nikâya

 

douceur mystérieuse de la chatte endormie

dans la seule authenticité
mais le sommeil n'est pas une divinité
le sommeil est une chimie

 

je le dis je le sais et pourtant je le prie

 

sommeil sommeil berce le monde
verse la paix avec l'oubli
que l'existence vagabonde
s'endorme enfin dans ton grand lit

 

 

 

voisins ce sont les rats
qui font que vous ne dormez guère
voisins ce sont les rats
qui font que vous ne dormez pas

 

 

 

- 41 -
 
 

 

ferme tes mornes yeux
car les heures sont brèves
au pays merveilleux
du sommeil sans un rê-hêve
ferme tes mornes yeux

ne pensons à rien le courant
fait toujours de nous des mourants
mais dans son lit c'est plutôt mieux
que dans les rues quand on est vieux
quand on est jeune aussi bien sûr


que vivre à tout âge c'est dur

ne pensons à rien le courant
fait toujours de nous des gagnants

dormez bel ange d'amour
oubliez-nous jusqu'à l'aurore

 

voisins ce sont les rats
qui font que vous ne dormez guère
voisins ce sont les rats
qui font que vous ne dormez pas

 

 

 

- 42 -
 
 

 

 

dormez vieux pantin d'amour
vous oublierez une heure encore
dormez vieux forçat d'amour
pour oublier jusqu'à toujours
dormez dormez

 

la poésie est fo-holle

mais qui s'y complaît est encor plus fou

viens à moi toi qui conso-holle

sommeil cher sommeil sommeil si doux

 

sommeil sommeil berce le monde
verse la paix avec l'oubli
que l'existence peu profonde
s'endorme au fond de ton grand lit

 

sommeil sommeil ange du monde

 

- SOMMEIL ! - autant de pris sur notre éternité.

 

(Corbière)
quelquefois ça marche

 

- 43 -
 
 
Hans Reichel Lied

 

comme un petit vert
fait chanter le jaune
prendre un petit verre
nous rend moins atone

l'américain si beau
qui rend les femmes folles
avec sa big bagnole
cet ange des tombeaux
ouverts part pour corps fou.

chauffant ma mémoire
la flamme de l'if
d'un souffle ébouriffe
mes pervenches noires.

l'hirondelle parafe
la page du ciel bleu
l'amour émeut l'émeu
la chatte la girafe
il fait chanter la carpe
diem ô coeur en carafe
sans laisser ton écharpe.

 

- 44 -
 
 

 

plumes d'hippogriffes
vols de pétroglyphes
o dessins des dieux
drôles d'escogriffes
que lit sans bésicles
la bête à bons yeux.

la cerise l'orange
les figues les pippins
les framboises la mangue
lychees -lychees je veux mourir

du regret bleu de cette fête

si t'aimes tant à pohaimer
plutôt qu'à rimer t'escrimer
bois un coup tu seras Poëte.

 

- 45 -
 
 

 

 

 

Malfrat-lychee

 

la glycine est en fleurs et la vie en détresse
ô ces matins légers perdus jamais écrits
je refusai longtemps la rime avec maîtresse
aux yeux d'aube marine et ces reflets des tresses
dansant aux ondes noires des villes la nuit

si c'était un beignet qu'ess qu'il serait mal frit.

 

 

 

- 46 -
 
 

 

 

 

Chambord by night

 

sous la lune claire sombre âme
la grand cerf brame dans la brume
la brume lui brime son brame
et le voyeur là-haut s'enrhume
qu'il se tape un dog-nose au rhum.

 

 

 

 

- 47 -
 
 
Problèmes d'Ecriture

 

"Tout est dit"
Boris Vian

 

si je rêve c'est de vivre
ou je n'ai jamais rêvé
mais la clé qui nous délivre
lime ou crime-où la trouver ?

lisons lisons
c'est en lisant qu'on devient liseron

Notes 1. pour une fois qu'un vers est de mon cru

ou cri
déjà Raymond Queneau * l'avait écrit
ou cru

certes j'ai lu:

"c'est en écrivant qu'on devient écriveron"
rêvant goulu
j'aurais voulu
le devancer fût-ce d'un grain de mouron
rêve cui cui
mais pour ce qui est des gentils volubila
spontanés - là, je doute. Il se trouve qu'il a
des racines qui, tout jardinier ne le suit
que trop, s'enfoncent très très profond dans la nuit

 

 

- 48 -
 
 

tellurique en deçà des mots et des images
des ruses, des lectures, voire, de Raymons,
(Raymond Queneau hommage Haut Mage)
saine lecture encor pas entreprise quand
a fleuri pour moi ce liseron que j'aimond
tand

en conséquence
de quoi j'avance :
peut-être bien
que m'appartient
cette fleurette
tant mignonnette
peut-être bien
peut-être rien ...

mais je la revendique
dique dique don.

 

 

2. * En fait c'est chez Maurice Fombeure, ô critique !

3. Bon liseur c'est mieux que mauvais écrivain, non ?

R.L. Jalan

 

- 49 -
 
 
Grill-Parties

 

au mitan herbu de leur antre
marron ni cigarette n'entre

qu'est-ce qu'y grille le grillon
les sardines de l'impatience
aux feux rouges de l'âpre escience ?
qu'est-ce qu'y lille le lillon

quand sa luronne l'élillonne
la friponne
et papille du papillon ?


or majestudeux ou non
ils sont
majestudeusement cons
les 'ions.


les natifs qui ne sont pas
dépourvus d'intelligence
iront changer de ce pas
la maison de leur naissance.

 

- 50 -
 
 

 

Juillet en Mars

A Michel Parmentier

 

la cafetière boit du cydre
le chat-luthier chante au lutrin
fesse d'or brille à la Bastille
l'Oiseau-Bleu en manque son train.


coeur de lilas est une aiguille
sous l'ongle du coeur des minuits
la clef qui luit dans la clepsydre
au fond du puits referme l'huis


sans souci de la saison brève
que sourcille * l'Horodateur
dans la tour d'argent dort et rêve
le chat sur le radillateur


jasmin perdu n'a pas d'abeilles
ni pain doré le doigt ganté
Marsile s'embarque à Marseille
la cafetière boit du thé


moi du rosé vienne l'été.

* Curieusement ni Littré ni le Petit Robert ne donnent

ce sens transitif de sourciller.

 

- 51 -
 
 

 

 

Mon chien s'appelait Tom et ma chienne Djaly
Ah! que de noms pompeux méritaient mieux l'oubli.
Toulet

 

 

 

 

 

 

et moi c'était nos chattes ... Je les vois encore
si tant de souvenirs le temps les décolore

l'une c'était Brusquie et l'autre Calico
bien peu de noms aimés ont en moi tant d'écho.

 

 

- 52 -
 
 

 

 

Hommage à Vivaldi

 

 

quand bêche et pulvéro m'aneztézient la lyre
de printemps et d'été je n'ai grand goûttàdyre

de gravité courtoise, or et verte, vêtu
l'automne est bel et trisse ainsi que l'institu

 

l'hiver se passe auprès du feu
à Rue Manet son Rue Matisse
on y fume on y boit un peu
beaucoup si l'on est tartisse
quand on le peut quand on le peut
l'hiver se rêve au coin du feu

 

 

 

- 53 -

 
 

 

 

 

 

 

 

Hommage à

 

 

Arts Déco

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

B.M.P.T.

 

 

Paris 67

 

 

 

 

 

 

 

 
 

 

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O

 

 
 

 

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On pourrait sur notre compte au moins dire:

" Le groupe BMPT appelé ainsi contre la volonté des artistes Buren, Mosset, Parmentier, Toroni, qui l'ont fondé et en contresens à leur travail".

 

D. Buren, M. Parmentier, Propos délibérés, p.19

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- 60 -

 
 

 

 

Portrait de Famille

 

noire tueuse de mésanges
douce au toucher douce aux regards
tiens-tu tes yeux verts des hagards
mescluns de meurtres que tu manges


ou pas - jeux plaisir de rechange -
torsillonnaire du lézard
voire vipère de hazard
ô noire et belle mauvaise ange


nie ange ni démon ma chatte
innocente d'âme et de patte
tout le portrait gracieux de ta
mère Nature que tu flattes
ma féroce et douce Tinn'ta

 

Liane

 

laine des nuits livrées à l'oiseau de Minerve

chatte noire dont l'oeil profond et vert m'observe.

 

- 61 -
 
 

 

 

sous l'herbe cachée

 

nulle cloche ne tinta
quand nous l'y avons couchée
ma Tinn'ta

que je pleure en l'écrivant
ne donne pas sens aux larmes
et cri - vent

 

 

 

 

 

- 62 -
 
 

 

 

Amplifique a Sillons

 

jeux de rimes
jeux de frimes


jeux de malins
jeux de cîmes
jeux d'abismes
jeux de faluns


jeux de rimes
jeux de crimes


jeux de câlin
jeux de frimes
jeux de l'Un
jeux de rimes


chanvre et lin
jeux de vilain

 

 

- 63 -
 
 

 

 

Méduse

 

 

jaunâtre fiasque éteinte aux cailloux de la grève
mais quand la vague la soulève
jaseran de la mer où s'irise le jour
ainsi de l'âme et de l'amour.

 

 

 

 

Il n'y a pas d'amour malheureux.

J.-L. Godard. (A bout de souffle)

 

 

 

 

- 64 -
 
 
 
 

Grains d'insomnie / Jean Lalou / front., Olivier Mérijon. - Aurillac :
Gerbert, 2000 (15-Aurillac : Impr. Gerbert). - 67 p. : ill. en coul. ; 20 cm.
DL 00-48625 (D4). - 800. - (Br.).

BN 0260181501-02775

 
Olivier Mérijon et Jean Lalou
O.Mérijon et Jean Lalou
 
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